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Les verres à prisme profilé atténuent-ils les symptômes?

La binocularité et la dysphorie du trijumeau vont de pair.

Le recours aux appareils numériques étant de plus en plus important, les symptômes qui y sont associés, comme les maux de tête, les douleurs cervicales, la fatigue oculaire et la sécheresse oculaire, sont de plus en plus pertinents dans les soins de la vue1. Il est souvent recommandé aux patients qui présentent certains de ces symptômes de réduire le temps d’écran et de limiter le plus possible l’exposition à la lumière bleue. Malgré tout, mes 20 années de recherche et d’expérience anecdotique, conjuguées aux conclusions intéressantes d’une récente étude, me laissent croire que ces stratégies, même si elles peuvent être utiles, sont insuffisantes2. La réponse proprioceptive, qui est étroitement liée au mouvement des yeux et à la binocularité, peut être l’origine de ces symptômes3. Les verres à prisme profilé peuvent être une solution efficace et efficiente qui a des retombées importantes sur la vie.

La binocularité est la combinaison de la vision centrale et périphérique. La gestion des mouvements oculaires entre la vision centrale et la vision périphérique repose sur le système proprioceptif. Le système proprioceptif envoie constamment des signaux à partir des muscles extraoculaires pour que les yeux puissent maintenir la fusion3. Lorsqu’une personne décide de bouger ses yeux pour regarder la cible suivante, sa vision périphérique calcule à quelle distance et à quelle vitesse faire bouger l’œil pour que la vision centrale puisse voir les détails. Le système proprioceptif permet de gérer ce mouvement.

Curieusement, les fibres proprioceptives des muscles extraoculaires n’envoient pas leur signal par le deuxième nerf crânien, le nerf optique, ou par le troisième, le quatrième ou le sixième nerf crânien. Les fibres proprioceptives envoient plutôt leurs signaux par le cinquième nerf crânien, que l’on appelle le nerf trijumeau. Le nerf trijumeau est le plus gros des nerfs crâniens et se divise en trois : le nerf ophtalmique, le nerf maxillaire et le nerf mandibulaire. Les fonctions du nerf trijumeau comprennent la sensibilité cornéenne et la réception de la douleur dans les sinus. La coordination de la position de la tête est aussi directement liée à la position des yeux, comme la documentation l’indique4,5.

Pour atteindre la fusion de l’image, le réalignement constant des yeux augmente l’intensité et/ou la fréquence de la réponse proprioceptive par le ganglion trijumeau3. Cela cause une augmentation des maux de tête dans la région frontale ou temporale, une sensation de sécheresse oculaire, des tensions au cou et une asthénopie (fatigue oculaire) connexe6. La combinaison de ces symptômes est appelée dysphorie du trijumeau. Le mécanisme est accentué davantage par un excès de focalisation de près, comme lorsque l’on regarde un téléphone intelligent ou un ordinateur1. Il a été démontré que la correction de l’alignement des yeux à l’aide de verres à prisme profilé réduit grandement ces symptômes et les élimine parfois complètement7.

Les verres à prisme profilé ont été conçus à la suite de nombreuses recherches et observations qui ont fourni des pistes essentielles. Par exemple, lorsque nous regardons en bas vers l’intérieur, il y a une activité accrue du muscle oblique supérieur liée au déclin de l’efficacité du muscle droit interne8. Cela explique pourquoi nous observons souvent une augmentation de l’exodéviation entre les yeux lorsqu’ils focalisent de près. Les prismes profilés permettent aux yeux de compenser pour l’augmentation de l’exodéviation qui se produit de près en offrant une correction prismatique accrue distincte de celle prescrite pour la vision de loin. La capacité de gérer le désalignement pour la vision de loin et de près est essentielle pour éliminer les symptômes de dysphorie du trijumeau7.

L’évolution d’une innovation

Dans les 20 dernières années, ces verres à prisme profilé ont été perfectionnés et brevetés en collaboration avec des professionnels de la neurologie et de la vue, dont Vance Thompson, M.D., fondateur de Vance Thompson Vision à Sioux Falls, au Dakota du Sud. Nous les appelons désormais les verres Neurolens, et ils sont produits par une entreprise du même nom, Neurolens (Coppell, Texas), dont je suis cofondateur. Jusqu’à maintenant, plus de 10 000 patients portent ces verres à prisme profilé suite à ma recommandation, et les professionnels de la vue partout au pays reconnaissent les bienfaits des verres Neurolens et les offrent à leurs patients.

En plus d’offrir à ces patients des verres Spectacle spécialement conçus, nous pouvons maintenant mesurer objectivement et avec précision le désalignement. L’utilisation optimale des verres Neurolens à prisme profilé repose sur des mesures précises du désalignement. Pour ce faire, nous utilisons l’appareil de mesure Neurolens de deuxième génération (NMD2), qui collecte une mesure objective, fiable et répétable de l’alignement oculaire (figure 1).

Le NMD2 tient compte des éléments essentiels à la fusion binoculaire, notamment de l’hétérophorie, du traitement de la vergence, de la fusion périphérique binoculaire, de la disparité de fixation, de la réponse de convergence accommodative et de la fixation monoculaire centralisée en alternance. L’appareil offre une simulation du fonctionnement des yeux de près (50 cm) et de loin (six mètres, ce qui simule l’infini), et repère un désalignement des yeux d’aussi peu que 0,10 d.p. L’objectif de cet appareil est de donner une mesure appelée la valeur Neurolens, qui est utilisée pour prescrire une correction de la vision par prisme profilé.

Cet appareil permet d’abord d’évaluer la coordination de la vision binoculaire centrale, et ce, sans stimuler la vision périphérique. Deux points centraux distincts se trouvant à l’infini apparaissent à l’écran de l’appareil pendant que l’on couvre chaque œil en alternance. Si la fusion centrale n’est pas déséquilibrée, chaque point central semble stationnaire pendant la transition d’un œil couvert à l’autre. Si la fusion centrale est déséquilibrée (phorie), chaque point central semble vibrer lorsque l’œil se déplace pour se fixer sur le point central après la transition d’un œil couvert à l’autre. L’appareil suit le mouvement de chaque œil et évalue la phorie.

Une fois le point central visible et aligné avec la fusion centrale, les cibles périphériques distinctes sont introduites devant les deux yeux. Ces cibles indépendantes stimulent la fusion corticale du champ de vision périphérique tout en permettant à la vision centrale de rester monoculaire. S’il n’y a pas d’écart entre l’alignement des visions centrale et périphérique des images binoculaires fusionnées, le point central reste stationnaire. Si toutefois il y a un écart entre la fusion centrale et l’alignement du système de suivi visuel périphérique, le point vibre.

Ce déséquilibre est surveillé, et l’appareil NMD2 déplace automatiquement le point central pour qu’il soit aligné avec le centre de la fusion périphérique. La déviation est mesurée, et la procédure est répétée pour mesurer l’alignement central et périphérique des objets vus de près. L’appareil analyse plus de 10 000 mesures pour déterminer s’il y a désalignement de la vision de loin et de la vision de près, ce qui donne une gamme de résultats pour l’ordonnance de verres à prismes profilés.

Étude sur les maux de tête chroniques

Nous avons utilisé ces verres Neurolens, en fonction de données d’une génération précédente du NMD2, dans le cadre d’une étude visant à évaluer leur effet sur les patients atteints de maux de tête quotidiens liés à la réfraction. Nous avons trouvé que nous pouvions éliminer le désalignement de la vision de loin et de la vision de près et ainsi réduire de manière importante les symptômes des patients7. Les participants n’avaient pas auparavant réussi à faire disparaître leurs symptômes par d’autres méthodes thérapeutiques. Au début, 186 patients participaient à l’étude; sept patients seulement se sont désistés par la suite.

D’après les rapports des patients sur l’efficacité produit à l’aide du test Headache Impact Test (HIT-6MC), une méthode validée pour évaluer la gravité des symptômes liés aux maux de tête, 146 des 179 patients (81,6 %) ont signalé une réponse positive au traitement après 90 jours (figure 2). Les résultats montrent également que le soulagement des symptômes associé au traitement était le plus marqué chez les patients présentant les symptômes de céphalées les plus graves au début de l’étude. Parmi ces patients, 54 % ont déclaré que leurs maux de tête avaient diminué de manière importante ou étaient disparus. Les patients auraient également arrêté de prendre bon nombre de leurs médicaments contre les maux de tête dans les 90 jours suivant le début de l’utilisation de verres à prisme profilé. Près de 30 % des patients ont cessé de prendre 90 % de leurs médicaments contre les maux de tête et 50 % ont cessé de prendre plus de 50 % de leurs médicaments contre les maux de tête.

Le test HIT-6MC évalue les effets des maux de tête sur la capacité d’une personne à accomplir ses activités quotidiennes. Les résultats du test HIT-6MC assignent une valeur sous forme de points selon la fréquence des symptômes, laquelle augmente proportionnellement avec la gravité des symptômes. Une variation du score du patient de six points au fil du temps indique un changement du style de vie9,10. L’étude sur les maux de tête chroniques quotidiens a démontré une réduction moyenne des scores au HIT-MC de 7,64, ce qui est hautement significatif sur le plan statistique. Ce résultat suggère que les verres à prisme profilé sont efficaces auprès des personnes pour qui les autres traitements conventionnels des maux de tête ont été inefficaces7.

Données du sondage

À la suite de l’étude sur les maux de tête chroniques quotidiens, nous avons sondé 360 patients qui portaient des verres à prisme profilé. Le sondage portait sur ce qui suit : « Recommanderiez-vous ce produit à des amis et à votre famille? » Le taux de participation s’est élevé à plus de 90 %, dont 82 % ont indiqué qu’ils recommanderaient les verres à prisme profilé à leurs amis et à leur famille (figure 3). Les participants ont répondu au sondage au jour 90 et à un an après avoir reçu leurs verres à prisme profilé11.

Soulagement

Nos patients ont toujours eu besoin de soulager les symptômes découlant d’une dysphorie du trijumeau, mais nous en sommes plus conscients que jamais en raison de l’utilisation accrue des appareils numériques qui mettent en lumière davantage le problème. Les verres à prisme profilé offrent une solution efficace et efficiente; les professionnels de la vue en sont informés et ajoutent le NMD2 à leur équipement afin que leurs patients puissent en bénéficier.

 

Références

  1. Rosenfield M. Computer vision syndrome (aka digital eye strain). Optometry in Practice. 2016; 17(1), 1-10.
  2. Palavets T, Rosenfield M. Blue-blocking filters and digital eyestrain. Optom Vis Sci. Janvier 2019; 96(1) : 48-54. doi : 10.1097/OPX.0000000000001318
  3. Weir CR. Proprioception in extraocular muscles. J Neuroophthalmol. 2006; 26(2) : 123-7. doi :10.1097/01.wno.0000223272.86565.74
  4. Freedman EG. Coordination of the eyes and head during visual orienting. Exp Brain Res. 2008; 190(4) : 369-387. doi : 10.1007/s00221-008-1504-8
  5. Fang Y, Nakashima R, Matsumiya K, et coll. Eye-head coordination for visual cognitive processing. PLOS ONE. 2015; 10(3) : e0121035. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0121035
  6. Digre KB. More than meets the eye: the eye and migraine—what you need to know. J Neuroophthalmol. 2018; 38(2) : 237-243. doi :10.1097/WNO.0000000000000660
  7. Miles C, Krall J, Thompson V, et coll. A new treatment for refractory chronic daily headache. eyeBrain Medical. Consulté le 1er octobre 2021 au https://www.dropbox.com/sh/289zz7ff4sjb238/AACLopRhfz7iYEaeLP0TSXXua/White Papers?
  8. Carpenter, RHS. Movements of the eyes. 2e édition. Pion Limited; 1988.
  9. Kosinski M, Bayliss MS, Bjorner JB. A six-item short-form survey for measuring headache impact: the HIT-6. Qual Life Res. 2003; 12: 963-974.
  10. Yang M, Rendas-Baum R, Varon SF, et coll. Validation of the Headache Impact Test (HIT‑6™) across episodic and chronic migraine. Cephalalgia. 2011; 31(3) : 357-67.
  11. Données internes. Neurolens, Coppell (Texas). Chronic daily headache study patient survey, 2014.

Article original publié dans Ophtalmology 360. Pour en savoir plus, visitez le : https://ophthalmology360.com/print-exclusives/contoured-prism-lenses-relieve-headache-eye-strain-and-dry-eye-sensation/ (en anglais seulement)

 

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